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Audition du Secrétaire Général par la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale de la France – OCDE

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Remarques par M. Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE, Audition du Secrétaire Général par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale de la France 

 

le 14 janvier 2015, Paris, France
(As prepared for delivery)

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés,

 

C’est pour moi un très grand honneur d’être de nouveau invité à m’exprimer devant la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale de la France, pays hôte de l’OCDE. Je tiens d’abord à réitérer mon immense peine, ainsi que celle du personnel de l’OCDE pour les meurtres terroristes de la semaine dernière en France. Au drame humain s’ajoute l’attaque au cœur des valeurs du « vivre ensemble » que nous défendons tous.

 

La France peut compter sur le soutien entier de l’OCDE dans sa réponse à ces actes inhumains et barbares, et pour continuer d’aider à consolider les fondements des sociétés en lesquelles les citoyens peuvent tous, dans leur diversité, avoir confiance. J’ai addressé mes condoléances au Président de la République le 7 janvier et le rassemblement à l’OCDE pour la minute de silence le 8 janvier a été très important.

Dans la douleur et la tristesse, j’ai été honoré d’accompagner le Président Hollande, son Gouvernement, et les dirigeants du monde entier, lors de la Marche républicaine ce dimanche dernier et de participer à réitérer, dans ce moment de recueillement, l’attachement de tous aux valeurs de nos démocraties.

 

Après l’horreur de ces actes, il est difficile de passer au sujet de l’état de l’économie mondiale, européenne et française.  Néanmoins, les analyses et les réflexions de l’OCDE sont aujourd’hui empreintes de considérations sur la promotion de l’équité dans la croissance et sur la confiance, et nous espérons, sur le long terme, participer à renforcer la cohésion sociale et créer ainsi les conditions d’un monde plus sûr.

 

La faiblesse de la zone euro reste un risque majeur pour la croissance mondiale

 

Aujourd’hui, nous n’avons toujours pas réussi à tourner la page de la crise économique, et de nouveaux enjeux se profilent.

 

L’économie mondiale continue de tourner au ralenti. L’expansion du commerce mondial reste en deçà de sa tendance de moyen terme et dans la plupart des pays l’investissement productif n’est guère plus dynamique. La croissance du crédit reste atone voire négative dans certains pays en Europe.

 

La reprise se raffermit aux États-Unis. Dans les marchés émergents, nous prévoyons dans les deux prochaines années que la croissance va s’essouffler quelque peu en Chine, restera modeste en Russie et au Brésil, mais repartira à un rythme régulier en Inde, en Afrique du Sud et en Indonésie.

La situation en Europe diverge en fonction des pays. La croissance s’accélère par exemple au Royaume Uni, ou en Espagne, pays qui a conduit un ensemble de réformes structurelles très important depuis 2011 notamment du secteur financier, du marché du travail, et de l’administration publique. Mais la France et l’Allemagne ont fortement ralenti, et l’Italie, en récession en 2014, devrait connaitre une croissance encore très faible en 2015.

Enfin, l’incertitude politique s’est ravivée en Grèce. Dans l’ensemble de la zone euro, la croissance est faible, le chômage y reste très élevé et l’inflation proche de zéro. La zone euro apparait donc toujours comme l’un des maillons faibles de la croissance mondiale. Les dettes publiques continuent à croître dans la plupart des pays.

Nous prévoyons 1.1% de croissance en 2015 et 1.7% en 2016 pour la zone euro. Mais cette prévision ne se réalisera que si toutes les possibilités fiscales et monétaires de soutien de la demande permises dans le cadre institutionnel européen sont utilisées. Sinon, la zone euro risque de s’enliser dans la déflation et la stagnation.

 

La vulnérabilité de la zone euro constitue un risque majeur pour la croissance mondiale en 2015-16 à côté des risques de turbulences financières liés au resserrement de la politique monétaire américaine.

 

Ce diagnostic est aussi valable pour la France. Selon nos dernières perspectives économiques, la croissance du PIB réel en France devrait se poursuivre à un rythme modeste en 2015 (à 0.8%) et s’accélérer modérément en 2016 (à 1,5%), soutenue par l’amélioration de la conjoncture mondiale, la dépréciation de l’euro, la baisse des prix de l’énergie et le ralentissement de l’assainissement budgétaire.

 

Les politiques macroéconomiques et les politiques structurelles sont deux leviers complémentaires de la reprise en Europe et en France

 

Comme le montre l’expérience de certains pays très touchés par la crise qui ont engagé de vigoureuses réformes, et commencent à remonter la pente, les politiques macroéconomiques et les réformes structurelles sont des leviers essentiels de la reprise. 

 

Dans ce contexte, la composition des dépenses et des recettes budgétaires doit faire l’objet d’une attention particulière. Il est important de maintenir et, si possible, de renforcer les dépenses d’innovation, d’éducation et d’infrastructures, comme l’envisage le plan Juncker. Elles permettront non seulement de soutenir la croissance, mais aussi de redresser la croissance potentielle.

Il s’agit d’un défi important pour un pays comme la France où cet effort doit être combiné avec la nécessaire réduction des dépenses publiques.

 

Il est aussi urgent, tant en Europe qu’en France, d’accompagner les politiques macroéconomiques de réformes structurelles. L’une des réformes prioritaires est l’approfondissement du marché unique. Nous saluons l’engagement renouvelé de la Commission européenne en faveur des réformes et les priorités de la stratégie de croissance qu’elle vient de présenter.

 

La simplification des charges administratives et les progrès dans l’interconnexion des marchés de l’énergie sont particulièrement bienvenus. Des réformes de la fiscalité, des prestations sociales, de la règlementation du marché du travail, de la formation professionnelle et de l’apprentissage, mais aussi du système d’éducation de façon plus générale,  visant à stimuler l’emploi et à réduire le chômage de longue durée, sont elles aussi essentielles.

Elles permettront de redresser le potentiel de croissance, mais aussi de renforcer la cohésion sociale, stimuler la consommation des ménages et faciliter le redressement des finances publiques.

 

Les pays du cœur de la zone euro, où les efforts en matière de réformes ont été bien moins importants que dans les pays vulnérables, doivent aussi être plus ambitieux. Concernant la France, en octobre dernier, nous avons remis au Président Hollande une note qui évaluait l’impact des réformes structurelles alors mises en œuvre ou annoncées d’un tiers additionnel sur la croissance économique annuelle potentielle, soit une augmentation de 0,4 point par an sur 10 ans.

 

Comme le soulignera notre prochaine étude économique, la priorité est de poursuivre les réformes allant dans le sens d’une simplification et d’une diminution des formalités administratives et réglementaires pour améliorer les conditions de concurrence, la fiscalité, et le marché du travail. 

Le projet de loi Croissance et Activité poursuit les réformes dans ce sens mais devra être renforcé et complété par des réformes additionnelles pour fluidifier le marché du travail. Les réformes territoriales seront aussi fondamentales pour limiter la fragmentation des politiques publiques et diminuer les coûts de fonctionnement de l’administration. Nous avions chiffré le potentiel de la réforme des aires métropolitaines sur Paris et Aix-Marseille à 1% d’augmentation du PIB sur 10 ans, si la réforme est menée à bien.

 

Le système de protection sociale et d’éducation s’est aussi grippé, et crée trop d’immobilité sociale.  Il est coûteux et n’atteint plus ses objectifs sociaux. À cet égard, la réforme visant à mieux moduler les allocations familiales en fonction des revenus est bienvenue.

Des réformes plus importantes devront être engagées pour rendre le système social plus favorable à l’emploi en améliorant l’offre et la demande de travail, et plus solidaire, en améliorant la gouvernance des politiques sociales et en limitant leur fragmentation.

 

L’OCDE travaille d’arrache-pied sur l’ensemble de ces sujets pour assurer  une reprise saine et inclusive de la croissance économique, en France, en Europe et dans le monde.

 

La coordination internationale est essentielle

 

La crise a souligné la nécessité d’améliorer la collaboration internationale et la gouvernance mondiale dans laquelle la France joue un rôle clé. Nos économies sont en effet de plus en plus étroitement imbriquées. La collaboration internationale permet à la fois de limiter les effets collatéraux négatifs de certaines politiques mais aussi de multiplier les effets bénéfiques des politiques nationales.

L’OCDE travaille de façon approfondie  sur un grand nombre de sujets de coordination internationale actuellement fondamentaux pour la croissance, comme les investissements et les échanges. Permettez-moi d’illustrer mes propos dans deux autres domaines essentiels au bon fonctionnement de nos économies et qui sont par nature de dimension internationale : la fiscalité internationale et les migrations.

Système fiscal international

Partant du constat que la fiscalité internationale n’avait pas évolué à la même vitesse que les modèles économiques et les progrès technologiques, l’OCDE, avec ses membres et en partenariat avec le G20, a pris les devants. Notre priorité est de permettre la mise en place d’un système international de fiscalité plus transparent et plus équilibré, en particulier pour lutter contre l’évasion fiscale, et de réaligner les règles d’imposition.

 

La création d’une nouvelle norme internationale sur l’échange automatique de renseignements à des fins fiscales en 2014, maintenant adoptée par 94 juridictions — et qui sera mise en place à partir de 2017 pour une majorité de pays, est une étape historique. Ces progrès — que la France a fortement soutenus — marquent une véritable révolution dont certains effets sont déjà perceptibles sur le comportement des contribuables.

Plus d’un demi-million de contribuables ont déclaré spontanément des revenus et des éléments de patrimoine jusque-là dissimulés aux administrations fiscales. Les pays estiment avoir collecté plus de 37 milliards d’euros grâce à ces programmes de déclaration spontanée.

 

En même temps, les pays de l’OCDE et du G20 travaillent ensemble pour enrayer l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), par lesquels des entreprises multinationales arrivent à séparer artificiellement les bénéfices des activités qui les génèrent, et en cela, à échapper à l’impôt.

 

Nous travaillons sur le système international de la fiscalité avec des pays du monde entier, des entreprises, des ONG, des organisations internationales et d’autres parties prenantes. Une approche globale pour des problèmes globaux.

Migrations

Les migrations internationales constituent un autre domaine où la coopération internationale est fondamentale. Comme l’a rappelé le ministre Cazeneuve au Forum politique à haut niveau de l’OCDE sur les migrations en décembre dernier « L’immigration est un défi que nous lance la mondialisation, dans la mesure où elle révèle tous les grands déséquilibres –- démographiques, économiques, politiques -– qui traversent notre époque. ». Il est impossible aujourd’hui de ne pas y ajouter les défis de sécurité. L’immigration n’en constitue pas moins une chance pour nos économies et nos sociétés.

 

La dernière édition de nos Perspectives des migrations internationales de l’OCDE, montre que les flux d’immigration permanente dans les pays de l’OCDE augmentent de nouveau, avec environ 4 millions de nouveaux immigrés permanents en 2013. En Allemagne, l’immigration s’est fortement accrue, notamment sous l’impulsion des migrations intra-européennes. En France les flux migratoires ont augmenté pour la quatrième année consécutive. Pour autant, la part des flux d’immigration dans la population totale reste faible en France (0.4%) en comparaison internationale (0.6% en moyenne).

 

En principe, la France dispose d’importantes réserves de main-d’œuvre lui permettant de faire face au vieillissement de sa population. Néanmoins, face à la concurrence  internationale pour attirer et retenir les talents, et à des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs délaissés par les travailleurs résidents, la France doit, comme les autres pays, s’interroger sur les objectifs et l’efficacité de sa politique migratoire.

 

Dans tous les pays de l’OCDE, les migrations qualifiées augmentent, y compris en France où près de 40% des nouveaux entrants en 2012 sont diplômés du supérieur. Mais les compétences des immigrés restent sous-utilisées. En moyenne dans l’OCDE un immigré qualifié sur deux est soit inactif, soit chômeur, soit surqualifié pour l’emploi qu’il occupe.

 

La France n’échappe pas à ce constat, en dépit d’un dispositif important d’accueil des migrants. Il importe donc de poursuivre les investissements dans l’intégration, notamment dans l’éducation et les compétences, tout en améliorant l’efficacité des politiques publiques.

 

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés,

 

Les enjeux actuels de la mondialisation sont immenses et demandent d’aller de l’avant dans la coordination des politiques nationales. L’OCDE a engagé nombre de projets pour y faire face, que ce soit dans le domaine des inégalités, du changement climatique, de la réglementation bancaire, des réformes structurelles, de la fiscalité, des échanges, de la lutte contre la corruption, qui se sont ajoutées à ses responsabilités dans les domaines plus traditionnels des politiques économiques nationales, de l’ éducation, du marché du travail, ou des politiques sociales.    

 

Nous continuerons à appuyer les gouvernements pour renforcer la confiance des citoyens dans la capacité des institutions à gérer les nouveaux enjeux qui se présentent.

 

Je vous remercie.   


 


 

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