Depuis plusieurs semaines, le Maroc gronde. Dans toutes les villes, de Tanger à Agadir, de Casablanca à Oujda, les citoyens descendent dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol. Le coût de la vie explose, les inégalités se creusent, les services publics s’effondrent, et une question domine toutes les autres : pourquoi Aziz Akhannouch refuse-t-il de partir ? Pourquoi reste-t-il sourd à la colère populaire et indifférent à l’échec évident de sa politique ?
Akhannouch s’accroche parce qu’il ne veut pas reconnaître sa faillite. Pour lui, démissionner serait admettre l’échec d’un système qu’il incarne : celui du pouvoir confisqué par les intérêts économiques, de la politique devenue une affaire d’entrepreneurs, et d’un État géré comme une entreprise privée. Le chef du gouvernement, multimilliardaire et patron d’un empire énergétique, est avant tout le symbole d’une élite déconnectée, persuadée que la stabilité du pays vaut plus que la dignité de ses citoyens.
Son parcours en dit long. À la tête du ministère de l’Agriculture pendant plus d’une décennie, Akhannouch a porté le Plan Maroc Vert, censé moderniser le secteur agricole. En réalité, cette politique a surtout profité aux grands producteurs et aggravé la crise hydrique. Les cultures intensives d’exportation, comme l’avocat ou les fruits rouges, ont épuisé les nappes phréatiques et ruiné de petits agriculteurs. La Cour des comptes elle-même a souligné les dérives d’un modèle agricole incapable de s’adapter au changement climatique et de protéger les ressources en eau.
Une fois arrivé à la primature, le désastre s’est généralisé. Sous son gouvernement, l’inflation alimentaire a atteint des sommets, réduisant à néant le pouvoir d’achat des ménages. Les promesses de “protection sociale” n’ont pas empêché la pauvreté de progresser, et les aides promises tardent à arriver. Pendant ce temps, Akhannouch parle d’“avancées structurelles” et vante un bilan positif que personne ne voit dans les souks, les écoles ou les hôpitaux.
Le scandale des carburants illustre ce fossé entre discours et réalité. La libéralisation du secteur, décidée quand il était ministre, a profité aux grandes sociétés, dont la sienne. En 2023, le Conseil de la concurrence a sanctionné plusieurs distributeurs pour entente sur les prix. Comment un Premier ministre propriétaire d’un groupe pétrolier peut-il prétendre défendre le pouvoir d’achat des citoyens ? Cette contradiction mine sa légitimité politique.
Les services publics, eux, sont au bord du gouffre. Les hôpitaux manquent de moyens et de personnel, les maternités ferment, et des femmes continuent de mourir faute de soins. L’éducation traverse la plus grave crise depuis des décennies : enseignants en grève, écoles délabrées, élèves découragés. Le Maroc se modernise sur le papier, mais recule dans la vie réelle.
Akhannouch gouverne comme un PDG plus que comme un chef de gouvernement. Sa communication est millimétrée, son empathie absente. Face à la détresse des citoyens, il se retranche derrière des promesses technocratiques. Il parle de chiffres, quand le peuple parle de survie. Son silence, son absence du terrain et son incapacité à affronter la colère populaire traduisent un mépris assumé pour la souffrance sociale.
Et pourtant, il reste. Parce qu’il craint qu’un départ n’ébranle l’édifice d’un pouvoir qui préfère le contrôle à la reddition des comptes. Parce qu’il incarne un système où la loyauté au sommet compte plus que la confiance du peuple. Parce qu’il veut gagner du temps, en espérant que la colère retombera. Mais elle ne retombe pas.
Les jeunes Marocains — cette génération #GENZ212 — ne croient plus aux promesses. Ils dénoncent l’hypocrisie d’un gouvernement qui construit des stades pendant que les hôpitaux s’effondrent. Ils refusent d’être réduits au silence ou à la résignation. Leur révolte n’est pas politique, elle est morale. Elle réclame dignité, justice et vérité.
Akhannouch n’écoute pas, mais le pays, lui, parle. Et plus il s’accroche au pouvoir, plus il s’éloigne du peuple qu’il prétend servir. Le Maroc ne veut pas d’un gestionnaire de fortunes : il veut un responsable capable d’entendre sa douleur. Tant qu’Akhannouch ne comprendra pas cela, sa place à la tête du gouvernement ne sera qu’une illusion d’autorité dans un pays qui a déjà retiré sa confiance.




