Le point de départ était une vengeance personnelle d’un universitaire condamné à quatre mois de prison avec sursis pour harcèlement.
Le 28 novembre 2023, peu après 6 heures du matin, une équipe SWAT composée d’environ 175 policiers portant des masques noirs, des casques et des gilets pare-balles, est descendue simultanément sur huit maisons et appartements distincts dans et autour de Paris mais aussi à Nice. Ils brandissaient des fusils semi-automatiques, criaient, faisaient des bruits très forts, fracassaient les portes et mettaient tout sens dessus dessous.
A titre de comparaison, fin août 2024, le parquet antiterroriste français a engagé environ 200 policiers pour traquer un suspect qui avait tenté de commettre un crime. synagogue a pris feu à la Grande-Motte, dans le sud de la France, et provoqué une explosion blessant un policier et détruisant plusieurs voitures à proximité.
Les raids de novembre 2023 ne constituaient pas une opération contre un terroriste, un groupe armé ou un cartel de la drogue. Il s’agissait d’un raid visant huit lieux privés principalement utilisés par de paisibles pratiquants de yoga roumains.
La plupart d’entre eux avaient choisi d’allier l’agréable à l’utile en France : pratiquer le yoga et la méditation dans des villas ou des appartements mis gentiment et gratuitement à leur disposition par leurs propriétaires ou locataires qui étaient pour la plupart des pratiquants du yoga d’origine roumaine et en même temps profitez d’environnements naturels ou autres pittoresques.
Le premier objectif de l’opération était d’arrêter les personnes impliquées dans des « trafics d’êtres humains », des « séquestrations » et des « abus de vulnérabilité » en bande organisée. Le deuxième objectif était de sauver les victimes de ces activités illégales mais il n’y a pas eu de victimes.
Une cinquantaine d’entre eux se trouvaient au mauvais endroit, au mauvais moment et n’avaient rien à voir avec le mandat de perquisition justifiant l’opération. Quoi qu’il en soit, ils ont été victimes de l’intervention de la police puisqu’ils ont été maintenus en détention dans des conditions inhumaines et humiliantes pendant deux jours et deux nuits, voire plus dans certains cas, pour des interrogatoires. Droits de l’homme sans frontières interrogé une vingtaine de victimes du descentes de police et abusnotamment dans Villiers sur Marne, Buthiers et Vitry sur Seine. Aucun d’entre eux ni d’autres n’ont été interviewés par les médias français.
Les pratiquants de yoga roumains n’ont pas été traités avec le même respect et la même humanité que Pavel Durov, le grand patron du célèbre réseau social Telegram, lorsqu’il a été arrêté fin août 2024, à la descente de son jet privé à Paris. Après quatre jours de garde à vue et d’interrogatoire, il a été libéré sous caution malgré 12 chefs d’accusation graves – pédopornographie, complicité de trafic d’armes en tout genre et de drogue pour avoir volontairement omis de réglementer Telegram selon la loi française. Les autorités l’ont placé sous contrôle judiciaire au risque de le laisser s’évader comme l’homme d’affaires libanais Carlos Ghosn a réussi à le faire en se dissimulant dans une grosse caisse expédiée en fret sur un jet privé alors qu’il était assigné à résidence au Japon en attendant son procès en 2019. Deux poids, deux mesures. « Selon que vous êtes puissant ou misérable, les jugements des tribunaux vous rendront blanc ou noir… », écrivait le célèbre écrivain français La Fontaine dans l’une de ses nombreuses fables.
Les témoignages recueillis par Droits de l’homme sans frontières sur les conditions de détention inhumaines et humiliantes des pratiquants de yoga roumains détenus et interrogés par la police française après les perquisitions de novembre 2023 ont été confirmées par une chercheuse canadienne : Susan J. Palmer, professeure affiliée au Département des religions et cultures de l’Université Concordia à Montréal qui dirige également le Les enfants face aux religions sectaires et au contrôle de l’État projet à l’Université McGill. Elle a publié ses propres conclusions après avoir interviewé en Roumanie des pratiquants de yoga arrêtés et détenus en France : Raids policiers contre MISA en France : récits contradictoires – Les étudiants de MISA racontent leur histoires – Les plaintes des yogis à propos de la police – La MIVILUDES derrière les rafles.
La question soulevée par ce document est la suivante : « Quelle est l’origine d’une opération policière aussi disproportionnée visant les pratiquants de yoga ?
A l’origine, un chercheur universitaire condamné pour harcèlement envers une collègue
Selon les médias français, l’histoire des vastes descentes de police visant les pratiquants de yoga a commencé avec un chercheur médical de l’Université d’Angers, Hugues Gascan.
Ses publications évaluées par des pairs dans des revues savantes montrent qu’il est un scientifique estimé, a déclaré Massimo Introvigne dans Hiver amer. Certains de ses articles précédents ont été co-écrits avec une collègue, PJ, et d’autres.
À un moment donné, une dissidence est apparue entre Gascan et PJ au sujet thérapies alternatives pour le cancer et peut-être d’autres sujets aussi. Gascan accusé PJ d’avoir été influencée par sa participation à une « secte » dirigée par un professeur canadien de yoga tantrique.
Le conflit au laboratoire est devenu si aigu que l’Université d’Angers a décidé en 2012 de fermer le centre de recherche où Gascan et PJ avaient travaillé. Gascan se présente désormais comme victime d’une « infiltration sectaire » dans son laboratoire mais les archives judiciaires racontent une autre histoire.
Sa collègue PJ a porté plainte contre lui pour « harcèlement moral » et l’a fait condamner en première instance, puis en appel, et enfin. par la Cour de cassation le 14 mai 2013qui a confirmé la peine de quatre mois de prison avec sursis. Le terme « harcèlement » a été utilisé 11 fois dans le jugement final.
Selon les décisions de justice, il aurait également harcelé d’autres employés de son laboratoire. Plusieurs personnes de l’université ont témoigné qu’elles avaient personnellement été victimes d’un schéma similaire de dénigrement de leur travail et de diverses formes de harcèlement qui ont conduit à leur isolement du groupe et à leur exclusion du département.
Les juges ont également noté qu’un examen médico-légal de PJ avait confirmé qu’elle était en bonne santé mentale et que même l’agence gouvernementale antisecte MIVILUDES a rapporté qu’aucune déviance sectaire n’avait été identifiée dans son comportement.
Cette expérience semble avoir développé une profonde haine envers les groupes de yoga tantrique en Gascogne.
Gascan et la MIVILUDES derrière les descentes policières massives
Après cet échec, Gascan déclare la guerre aux sectes. En 2022, il crée un petit groupe anti-secte confidentiel de deux personnes appelé GéPS (Groupe d’étude du phénomène sectaire). Ce « groupe » était quasiment inconnu jusqu’en novembre 2023, n’a pas de site Internet ni de rapport public d’activités mais surfer sur la vague anti-secte en France attire facilement l’attention des médias de manière positive. Une manière pour Gascan d’enterrer dans le sable de l’oubli ses ennuis judiciaires et sa peine de quatre mois de prison avec sursis, et de redorer son image publique personnelle.
Il s’est vanté dans certains médias français, comme Le Point et Nice-Matinque pendant 10 ans il avait enquêté sur les activités en France du groupe roumain de yoga tantrique MISA, fondé par Gregorian Bivolaru, accusé de l’utiliser à des fins d’abus sexuels. Il a par ailleurs affirmé avoir fourni des témoignages et ses documents de recherche à l’agence gouvernementale anti-sectes MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) mais ceux-ci n’ont jamais émergé dans aucun procès. Ses déclarations tonitruantes lui valent la cote auprès de certains médias en quête de sensationnalisme comme « L’homme qui a fait tomber MISA ».
Selon lui, la présidente de la MIVILUDES de l’époque, Hanène Romdhane, avait transmis ses rapports à Claire Lebas de la Cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires (Caimades) et de là au Major Franck Dannerolle, chef du Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP). Il en est résulté les perquisitions policières du 28 novembre 2023 dans huit maisons et appartements distincts dans et autour de Paris mais aussi à Nice, a expliqué Gascan.
Alors que les lecteurs des médias français sont amenés à croire que cette opération est le résultat d’un travail à la Sherlock-Holmes du GéPS, les récits sensationnels et les accusations qu’il a partagés avec certains journalistes étaient connus depuis des années des autorités françaises. A ce stade, les accusations de traite des êtres humains et d’abus sexuels sur des femmes étrangères n’ont jamais été confirmées par aucune décision de justice en Europe.
Par ailleurs, deux chercheurs ont enquêté sur les témoignages de soi-disant victimes d’abus sexuels et ont souligné leur manque de fiabilité : le chercheur italien Massimo Introvigne dans son livre Érotisme sacré : Tantra et Eros dans le Mouvement d’Intégration Spirituelle à l’Absolu (MISA) (Milan et Udine : Mimesis International, 2022) et le regretté chercheur suédois Liselotte Frisk dans ses recherches le cas de femmes finlandaises affirmant avoir été victimes
Dans le récit public de Gascan, il n’y avait rien de nouveau, à l’exception de l’affirmation selon laquelle plusieurs femmes auraient été retenues captives en novembre 2023 dans huit maisons et appartements en France pour être agressé sexuellement par Bivolaru.
Étonnamment pour les 175 policiers portant des gilets pare-balles et armés de fusils semi-automatiques, aucune des femmes qui auraient été « libérées » et interrogées par la police n’a confirmé le récit de Gascan mais de nombreuses femmes ont été victimes de gardes à vue abusives dans des conditions humiliantes et traumatisantes au cours desquelles il y a eu de graves violations de la loi, car Droits de l’homme sans frontières mis en lumière à travers des entretiens avec une vingtaine de pratiquantes de yoga.
La fausse histoire de Gascan sur le trafic et la détention présumés de plusieurs femmes étrangères pour abus sexuels en France a réellement influencé la MIVILUDES et les autorités judiciaires françaises dans la décision qui a été prise de lancer une opération d’une telle envergure sans aucune victime ne sera vérifiable que si l’accès à Les documents administratifs clés de la MIVILUDES sont accordés aux chercheurs.
Publié à l’origine dans The European Times.